ANDRÉ MAGINOT L'homme politique et sa légende

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André Maginot

Depuis la percée allemande en 1940 à Sedan, au défaut de la cuirasse, la ligne Maginot est pour beaucoup synonyme de politique coûteuse, inefficace, démobilisatrice tandis que l'expression "Ligne Maginot" connaît une extraordinnaire fortune, dépassant les questions proprement militaire pour devenir le symbole de la fermeture, du repli frileux de la nation sur elle- même. D'où une légende noire attachée au nom d'André Maginot.

Né à Paris le 17 février 1877, licencié en droit, Maginot sort premier de l'Ecole libre des sciences politique en juin 1897 avec un diplôme de la section administrative. Après un an de service militaire à Bar-le-Duc au 94ème R.I. comme soldat de deuxième classe, ses supérieurs trouvent que ce géant (1,98m) a un "caractère peu militaire".
De retour à Paris, il passe son second examen de doctorat, est reçu du premier coup au concours de l'auditorat du Conseil d'Etat à 23 ans et suit bientôt Jonnart au gouvernement général d'Alger. Elu député de la Meuse en 1910, il sera régulièrement réélu avec des scores de plus en plus importants (74 % des voix en 1928).

Devenu sous-secrétaire d'Etat à la Guerre dans le gouvernement Doumergue le 9 décembre 1913, il défend avec force la loi de trois ans de service militaire vivement contestée. Il va dès lors se montrer très attentif aux questions de défense.
En août 1914, André Maginot, veuf avec deux enfants, demande à être affecté dans la Meuse au 44ème territorial. Entraîneur d'hommes à l'esprit offensif, il se porte volontaire pour organiser des patrouilles. Nommé sergent, trois fois cité à l'ordre de la division, il reçoit la médaille militaire le 7 novembre 1914 avec citation à l'ordre de l'armée. Mais deux jours après, il est grièvement blessé au cours d'une reconnaissance audacieuse. L'articulation de son genou est définitivement perdue. Il va rester infirme toute sa vie mais sa détermination demeurera entière et le surmenage lui vaudra de nombreuses alertes de santé.
En mars 1917, il devient ministre des Colonies dans le gouvernement Ribot et membre du comité de guerre. Il soutient le général Nivelle convaincu qu'une attaque surprise, sans longue préparation d'artillerie, peut permettre d'enlever la décision contre les Allemands.
Cependant Maginot ne va pas jouer un rôle de premier plan lors de la préparation de l'offensive du 16 avril 1917. En Août 1918, un accident de la route le cloue une fois de plus au lit alors qu'il s'assurait que les renforts pour protéger Verdun avaient bien été envoyés.
Le traité de Versailles ne le satisfait pas plus que l'armistice avant la libération totale du territoire et c'est avant tout en Lorrain qu'il s'abstient lors de sa ratification. La dure épreuve de la guerre a révélé un homme déterminé, à l'esprit offensif, patriote vigilant vis-à-vis des Allemands dont il ne parvient pas à oublier le comportement pendant les combats.

  

Le Maréchal Joffre discute avec André Maginot le jour de l'armistice de 1918 à Paris, près de l'Arc de Triomphe.

Après la guerre, Maginot consacre toute son énergie à la défense des droits des victimes du conflit. Président de la fédération des mutilés, il suggère la création d'un ministère des pensions et sollicite ce poste difficile. Il accélère le traitement des dossiers et négocie durement avec les médecins et les pharmaciens la gratuité des soins aux mutilés. Il obtient des tarifs réduits sur les chemins de fer, met en place des emplois réservés pour les infirmes, entreprend un important regroupement des sépultures et organise le transfert d'un soldat inconnu à Paris le 11 novembre 1920.

 

Mais les problèmes de défense continuent de le préoccuper. Devenu ministre de la Guerre et des Pensions dans le gouvernenment Poincarré en janvier 1922, il pousse à l'occupation de la Ruhr et va y inspecter les troupes. Il fait ramener à 18 mois (et non à 12) la durée du service militaire, refusant la tentation de rétablir l'équilibre des finances par d'importantes compressions sur le budget des armées. Il n'intervient pas, en revanche, le 22 mai 1922 lors de la réunion du Conseil Supérieur de la Guerre qui examine "les principes de l'organisation défensive du territoire" présentés par le maréchal Pétain et très critiqués par les maréchaux Joffre et Foch.

La victoire du cartel des gauches en 1924 fait de Maginot un opposant déterminé à la politique étrangère et financière de la nouvelle majorité. Il soutient le gouvernement Painlevé décidé à maintenir l'ordre au Maroc mais s'abstient lors de la ratification des accords de Locarno. Frappé par la diphtérie et la mort de son fils, il ne peut entrer en 1926 dans le gouvernement d'Union Nationale conduit par Poincarré. Redoutant une évacuation anticipée de la rive droite du Rhin, il se prononce, dès 1927, pour le renforcement rapide de la défense des frontières au moment où le service militaire est ramené à un an. Redevenu ministre des Colonies en Novembre 1928, il se résigne à l'évacuation de la Rhénanie en demandant qu'elle soit liée au paiement effectif des réparations prévues par le nouveau plan Young. Il se rapproche alors nettement de Briand. Se déclarant fier d'être son collaborateur et ami, il considère désormais que leurs efforts se complètent.

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